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Du côté du Niger, il y a du nouveau dans « l’ancien »…

Il y a maintenant un peu plus d’un an que Grandir Dignement œuvre au Niger. L’ONG intervient dans les établissements pénitentiaires de Niamey et Zinder, auprès d’environ 130 jeunes âgés de 13 à 18 ans. En 2017, de nouveaux projets sont sur le point d’être lancés, notamment un concernant une alternative à la détention : le PEMO (placement éducatif en milieu ouvert). Cette mesure en cours de création est basée sur la législation nigérienne et s’inscrit dans les objectifs de la politique nationale du pays en matière de protection judiciaire juvénile.

A travers une interview fictif, l’article ci-dessous dévoile de quelle façon Grandir Dignement cherche à se baser sur les spécificités de la culture sahélienne dans la conception d’un projet visant à réduire la détention préventive des moins de 18 ans.

L’organisation de la société au Niger en quelques mots ?

Depuis l’indépendance du Niger le 3 août 1960, les leaders nigériens ont maintenu le recours à la coutume dans la vie sociale et publique. En 2017, l’organisation de la société est toujours caractérisée par un entremêlement d’institutions de natures étatiques, coutumières ou religieuses. La coutume nigérienne – composée de nombreuses spécificités au regard des nombreux groupes ethniques coexistant – est très riche et complexe, façonnée durant plusieurs millénaires. Elle favorise le lien social entre tous, elle protège également de l’exclusion et de l’isolement.

Et Grandir Dignement dans tout ça ?

A travers ses interventions, Grandir Dignement a pour habitude de nouer des liens forts avec les autorités gouvernementales et judiciaires. Toutefois, au Niger, l’ONG s’intéresse à l’éventuel recours aux institutions coutumières dans la conduite de ses projets. Bien que ne disposant pas de pouvoirs juridiques officiels, ces institutions coutumières bénéficient d’une large notoriété sociale, culturelle et historique. Grandir Dignement entrevoit que la défense des droits des enfants et la promotion d’une justice restaurative pourraient être favorisées par de telles collaborations. Sans se détourner des autorités étatiques officielles, mais bien de façon complémentaire, la collaboration avec des autorités traditionnelles pourraient rendre les actions de l’ONG plus ancrés dans la réalité nigérienne.

Plus concrètement, qu’est-ce que ça donne sur le terrain ?

Pour passer de la volonté aux actes, une réunion de préparation du projet PEMO s’est tenu le jeudi 2 mars à la Direction Régionale en charge de la Protection de l’Enfant à Niamey. Ce temps de rencontre a été initié par Grandir Dignement, il a permis de rassembler le Juge des mineurs du 1er cabinet du tribunal de Niamey et les Chefs de quartier de Niamey. Ce sont des autorités coutumières d’envergure dans la capitale nigérienne, les équivalents des Chefs de village en milieu rural. Cette réunion a permis de les informer sur le projet, les faire se rencontrer et échanger avec le Juge des mineurs, et surtout, recueillir leurs précieux avis.

Quel serait l’apport des Chefs de quartier dans ce projet ?

Grandir Dignement souhaite impliquer les Chefs de quartier dans ce projet parce qu’ils accomplissent au quotidien une mission de « protection sociale » informelle en recueillant des mineurs en situation d’isolement, sans famille, ou en danger social. Cette mission correspond à l’action des familles d’accueil. En lien avec la DRPE de Niamey, nous les avons donc identifiés comme des partenaires potentiels, en tant que famille d’accueil dans les cas où les mineurs en prise avec la justice ne sont pas entourés d’une famille à Niamey. Grâce à leur implication et à un travail collaboratif, tous les enfants, qu’ils soient entourés de leur famille ou en situation d’isolement pourraient dès lors bénéficier de cette mesure alternative à la détention, écartant par la même le risque d’une discrimination sociale.

Quel est leur regard sur ce projet ?

Les Chefs de quartier ont manifesté un vif intérêt pour le projet PEMO, mais ils ont également émis quelques réserves. Leur mission d’accueil des enfants est sans base légale, ce qui les rend vulnérables face aux forces de l’ordre lorsque ces derniers comprennent mal leur démarche sociale. Certaines tensions avec la police dans le passé ont ainsi amplifié ces appréhensions. Toutefois, la présence du Juge des mineurs durant cette réunion a permis de couper court à cette appréhension : Il est revenu sur l’importance de l’émission par un magistrat d’une ordonnance de placement qui les protège d’un point de vue juridique, leur permettant d’accueillir un mineur en toute légalité. Par ce biais, les complications avec les forces de l’ordre devraient être évitées.

Quelques mots en guise de conclusion ?

La protection des enfants et la prise en charge des jeunes en conflit avec la loi sont des enjeux qui concernent l’ensemble de la société, bien au-delà de la simple sphère judiciaire. A travers la mise en place d’une mesure alternative à la détention, Grandir Dignement entend montrer que la collaboration entre acteurs étatiques et coutumiers est une piste intéressante vers l’amélioration de la réinsertion des enfants en conflit avec la loi au Niger.

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