Plaidoyer écrit  à l’occasion de la journée des Droits de l’Homme en 2011.

« Je tiens, en ce jour, à vous parler des jeunes que Grandir Dignement côtoie au quotidien. Nous entendons régulièrement parler de tous ces enfants  malmenés, enfants des rues, enfants exploités sexuellement ou encore enfants de familles éclatées…

Le drame, dans nos sociétés, c’est que quand ces enfants finissent dans des centres pénitentiaires ou en prisons, la société les réduit, je dirais même les condamne, au terme « enfants délinquants ». Je vous rassure, ce constat est présent que ce soit à Madagascar ou dans d’autres pays. Oubliant leurs souffrances passées, on les considère comme de la « mauvaise graine » mal éduquée et irrattrapable. Donc, en cette journée des Droits de l’Homme, je voudrais insister sur le fait que tous ces gosses sont avant tout des jeunes en souffrance, qui ont traversé de nombreuses épreuves et pour qui, justement, les Droits de l’Enfant ont rarement été respectés. La situation d’un jeune pris en charge au nom de la « protection de l’enfance » n’est pas très éloignée de celle de cet autre jeune finissant derrière les barreaux. Souvent, il s’agit d’un faux pas, d’une malchance ou d’un évènement de la vie pour que ce jeune dit « en danger » soit considéré par nos sociétés comme « dangereux ». Nous devons échapper à la tentation de mettre la faute sur le jeune et peut-être faut-il savoir remettre en cause nos systèmes de prévention afin de mieux comprendre pourquoi certains en viennent à la répression.
J’ai plusieurs enfants en tête dont je garderai bien sûr l’anonymat. Ce jeune garçon né en prison car sa mère était alors enceinte et incarcérée. Il y a vécu ses 6 premiers mois de vie. Et, à l’âge de 14 ans, il se retrouve de nouveau en prison pour vol. Libéré une première fois, il apprend que sa mère est décédée, et, devant subvenir aux besoins de ses 3 frères, il commet un nouveau délit et se retrouve incarcéré pour sa seconde fois à l’âge de 15 ans. Ou encore cet ado de 15 ans né à Sainte-Marie, dont les parents ont été empoisonnés, qui pour s’en sortir est venu travailler sur Tamatave puis Tana comme domestique. Bien sûr, il n’a jamais été payé et, le froid arrivant, ce jeune qui dormait à la rue, a volé une couverture et s’est donc retrouvé en prison. Et, des cas plus graves, comme ce jeune qui, maltraité depuis de nombreuses années par son père, en est venu à lui ôter la vie.
Sans enlever aux jeunes la responsabilité de leurs actes, nous devons réaffirmer que tous ces gosses sont avant tout des victimes. Le but étant non pas de rechercher « de qui vient la faute » mais plutôt d’avoir un regard bienveillant et espérant sur ces jeunes. »
Hélène et David MULLER

La vie au centre de rééducation Mandrosoa est aujourd’hui bien réfléchie : temps de scolarisation des jeunes, temps d’animations, soirées et nuits, repas… Les différents moments de la vie quotidienne sont désormais bien établis. Notre équipe ressent une stabilité, et sans parler d’une pérennisation de nos actions, disons-nous une sérénité. Les grands changements des derniers mois semblent désormais (pour le moment en tout cas) accepter par tous.

En se basant sur la pyramide de Maslow, je dirais que les premiers niveaux sont atteints.

Ainsi, Grandir Dignement, toujours dans la volonté de permettre à tous ces jeunes de grandir dignement, souhaite avancer sur des points plus « éducatifs ». Les conditions de vie des jeunes étant à ce jour relativement satisfaisante (rappelons ici que c’est un centre de rééducation de l’Administration Pénitentiaire et non pas un centre de loisir ou un foyer de vie banal), nous mettons en œuvre de nouveaux objectifs pour les prochains mois :

Mise en œuvre d’un accompagnement individuel des jeunes. Pour ce faire, nous voudrions dupliquer l’action que nous mettons en œuvre à la Maison Centrale Antanimora. C’est-à dire :
Entretiens d’accueils pour chaque jeune avec des fiches de suivis
Plusieurs entretiens individuels à différents moments de la vie du jeune au sein du centre avec une feuille compte-rendu résumant chaque entretien
Un accompagnement renforcée (1 fois par semaine) avec un éducateur référent pour les jeunes en souffrance ou ayant des difficultés de comportement
Une collaboration renforcée avec l’équipe de la Fondation Sentinelles afin que l’éducateur référent du jeune au sein du centre soit en lien avec celui de Sentinelles
Intervention d’un psychologue de manière hebdomadaire ou mensuel (libre consultation)
Travail avec les juges des enfants
Ce travail va être facilité par le faite que notre équipe est désormais présente toutes les nuits et 6 jours/7 jours.

Amélioration des formations professionnelles
Formation continue pour les 2 formateurs professionnels
Amélioration de la fabrication de savon et vente de la production
Mise en œuvre de nouvelles techniques en agriculture


Et, enfin, sur l’hygiène des jeunes
Elaboration d’un système permettant à chaque jeune de recevoir un « pack » à son arrivée :
Trousse de toilettes avec brosse à dents, dentifrice et savon
Vêtements de rechange et pour la nuit
Chaussures
La difficulté réside dans le fait que sans un système fiable, tout se perd. Les vêtements ou accessoires sont voler, vendus, perdus etc… Donc, à réfléchir !

Depuis Janvier 2012, l’équipe de Grandir Dignement est désormais présente 6jours/7 c’est-à-dire du lundi au vendredi toute la journée ainsi que le samedi après-midi au sein du quartier des mineurs de la Maison Centrale Antanimora. Après avoir pris ses repères, les éducateurs ont commencé à mettre en place des entretiens d’accueil pour chaque nouveau jeune arrivant afin de réaliser une fiche individuelle de suivi. A ce jour, ces fiches sont mises à jour et les 100 mineurs détenus ont ainsi été écouté par nos éducateurs.
Dès lors, une réflexion s’est engagée afin de réfléchir au type d’accompagnement que nous pourrions proposée aux jeunes. Pour nous, quelques principes d’actions à respecter :
           – Collaborer avec l’Administration Pénitentiaire et les autres associations afin de ne pas faire de doublons
        –   Un principe de « libre adhésion » c’est-à-dire respecter la liberté du jeune détenu. A savoir, ne pas forcer une personne à être accompagnée par nos éducateurs.
         –  Donner un minimum d’accompagnement à chaque jeune et proposer un accompagnement renforcé pour les jeunes détenus en souffrances.
 Grâce aux fruits de la réflexion, Grandir Dignement est actuellement en train de mettre en place une sorte de « parcours type » de suivi. Ainsi, l’objectif est actuellement de proposer à TOUS :
                           – Un entretien à l’arrivée du jeune (ou le lendemain de son incarcération)
                           – Un entretien 15 jours après l’arrivée du jeune
                           – Un entretien avant chaque passage au tribunal
                          – Un entretien après chaque passage au tribunal
                        –    Un entretien juste avant la libération du jeune
Et, pour les jeunes qui le désirent spontanément ou ceux que nous repérons en difficultés (souffrances, violences etc…)
                         –  Des entretiens réguliers par un éducateur référent
Ce « parcours type » est pour nous un début. A savoir, qu’à terme, l’idée est d’accompagner les jeunes qui le désirent au tribunal, travailler avec les juges des enfants et avec les familles ou encore proposer une orientation post- carcéral… Beaucoup de travail en perspective qui va être mis en œuvre notamment grâce à l’arrivée de Mlle Meuline Hoarau, qui remplira la fonction de responsable du programme Grandir Dignement au quartier des mineurs de la Maison Centrale Antanimora.